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Sunday, April 08, 2012

Turpitude

Turpitude
 Nom commun

turpitude /tyʁ.pi.tyd/ féminin
Ignominie qui résulte de quelque action honteuse.

Quelles causes profondes, quelles turpitudes amenèrent donc l'annihilation de ce qui est une riante bourgade ? — (Ludovic Naudeau, La France se regarde. Le problème de la natalité -1931)
Ensemble d'actions honteuses, d'écrits ou de paroles ignobles

Révéler les turpitudes de quelqu’un.
Cette pièce, ce roman est une turpitude.
Sa conduite à l’égard de son bienfaiteur est une turpitude.
Lorsque je me rends à un rendez-vous clandestin, il me semble que tous les gens que je croise sont au courant de mes turpitudes et me regardent comme si j'allais commettre un crime. — (Pierre Daninos, Enfer conjugal, in Daninoscope, 1963)


Comme dans l'article de Jean-François Lisée sur l'échec de francisation de la BNC :

Pourquoi la Banque Nationale échoue au français 101

from Le blogue de Jean-François Lisée by Jean-François Lisée



Deux étages de la grande tour de la Banque Nationale, en plein coeur du Vieux Montréal, sont une zone protégée. Une zone Speak English.

L’établissement de cette zone illustre à merveille ce qui peut se passer lorsque la loi 101 ne s’applique pas — et elle ne s’applique pas à 10% des salariés québécois, dont ceux des banques.

Le premier geste interdit par la loi 101 — mais pas par la loi canadienne qui régit les banques — est d’embaucher comme cadre supérieur un unilingue anglais qui impose, par sa déficience linguistique, un environnement de travail en anglais.

Qui oblige donc des francophones montréalais à travailler en anglais. C’est ce qui s’est produit lorsque les dirigeants francophones de la Banque nationale ont jugé en 2007 que les compétence en gestion technologique de John B. Cieslak, devenu premier vice-président des technologies de l’information, primaient sur son incapacité à parler français.

Un peu comme Stephen Harper avec le nouveau vérificateur-général. Non, pas un peu. Exactement.

Un engrenage

Selon les employés qui se confient à Francis Vailles, de La Presse, Cieslak a non seulement imposé l’anglais dans toutes les communications le concernant dans sa division, mais il a embauché, en anglais seulement, de nouveaux adjoints dont plusieurs sont unilingues. Puis il a modifié en 2009 la langue de l’interaction, constante, avec IBM, pour passer à l’anglais (alors que pour un service similaire, Desjardins transige avec IBM en français).

La Banque a donc créé, pour un programme essentiel d’informatisation de ses services et de sa gestion, une division anglophone en son sein dont il est désormais très difficile — et très couteux — de sortir.

Le président Louis Vachon défendait ce choix vendredi dans La Presse:


«Notre modèle d’affaires est très centralisé. On doit servir nos clients hors Québec et internationaux à partir de Montréal. On a créé ces emplois-là à Montréal. Oui, ça se passe en partie en anglais, mais on ne va pas s’excuser d’avoir créé 500 emplois à Montréal! D’autres groupes ont plutôt des filiales à Toronto. Je ne suis pas sûr que Montréal soit gagnant de cette façon».

M. Vachon dit ici une chose très importante. Puisque nos entreprises sont en interaction avec l’étranger, nous devons assumer l’interface linguistique. C’est absolument indéniable.

Mais il dit autre chose. Il dit que malgré le fait que Montréal soit la ville la plus bilingue — et la plus trilingue — sur le continent; malgré le fait qu’on y trouve 80% des cadres et des ingénieurs qui sont bilingues, il serait impossible de parler en français entre nous, sur ces deux étages, puis de parler anglais avec les clients et partenaires anglophones, français avec les francophones, espagnol avec les hispanophones. Non, suggère-t-il, notre interaction avec le monde anglophone doit passer par un environnement de travail partiellement anglophone ici même.

Ceux qui ont délocalisé ces fonctions à Toronto (ou tous les coûts sont plus élevés et où l’unilinguisme règne) auraient fait des économies ? J’ose une autre hypothèse: les unilingues anglais préfèrent transiger avec les unilingues anglais. Le cas Cieslak en est la parfaite illustration. Si les institutions francophones, comme la Banque Nationale, ne choisissent pas systématiquement, pour ces fonctions où s’exerce l’interface linguistique, le meilleur candidat bilingue, l’engrenage de l’anglicisation s’installe.

Finalement, M. Vachon plaide sa propre turpitude. Parce qu’il a laissé s’installer un département anglophone pendant quatre ans, il juge extrêmement difficile d’y réinstaurer le français. C’est pourtant ce qu’il doit faire. Le pot a été cassé par la direction de la banque. C’est à elle de le réparer… ou d’en trouver un nouveau.

Patience et fermeté

Doit-on se confiner au seul bassin de recrutement local, pour des postes où on cherche, parfois, une compétence acquise ailleurs ? Non. Voici ce que dit la politique linguistique de l’Université de Montréal (transparence totale: mon employeur).


dans le cadre du renouvellement du corps professoral, alors que l’Université intensifie, dans toutes les disciplines, le recrutement des meilleurs spécialistes dans le monde, elle s’assure que les professeurs qu’elle recrute à l’extérieur du Québec qui ne posséderaient pas une connaissance de la langue française appropriée à leur fonction satisfassent pleinement à cette exigence dans les délais prescrits à l’embauche, sous peine de ne pas voir renouveler leur engagement.

Le délai est de trois ans. L’Université offre des cours à ses recrues..

La “Chasse à l’anglais” et la Chasse au français

M. Vachon expliquait vendredi dernier qu’il ne ferait pas “la chasse à l’anglais”. Cependant il a laissé son cadre John Cieslak faire la chasse au français, sans le moindre frein, depuis maintenant quatre ans.

Ce lundi, le directeur principal des affaires publiques à la BN, Claude Breton, a déclaré au Devoir : “À la Banque, on marche avec le dialogue et non la contrainte.” Il justifiait ainsi la décision de la Banque “d’encourager” Cieslak à apprendre le français, alors qu’à la Caisse de dépôt les unilingues ont été sommés de prendre immédiatement une immersion francophone.

Mais notez bien les deux poids et les deux mesures. La Banque nationale vient de contraindre, pendant quatre ans, une partie de ses employés à parler anglais avec leur supérieur. Donc, la contrainte y est de mise. C’est seulement envers l’unilingue anglais qu’on n’impose pas la contrainte.

«Quand des employés se sentent obligés de parler à des journalistes pour régler un problème et qu’ils parlent d’un climat de peur, ça m’interpelle comme gestionnaire. On se re-questionne à l’interne», disait Louis Vachon à La Presse vendredi.

Mais pourquoi ces employés ont-ils parlé aux journalistes ? Parce qu’ils ne pouvaient pas se tourner vers le comité de francisation de l’entreprise, elle n’en a pas. De même, ils ne pouvaient pas déposer une plainte à l’Office québécois de la langue française, car la loi 101 ne s’applique pas aux banques.

Et ne vous faites aucune illusion, même si le parlement canadien adoptait (ce qui est inconcevable) le projet de loi du NPD sur le français au travail au Québec, les employés de la BN n’aurait aucune façon d’obliger la banque à modifier son comportement. Le projet NPD n’a pas la moindre dent.

Ce qu’il faut, au Québec, c’est la loi 101 pour tous. Rien de moins.

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