Trois bons articles lus avec un café fumant ;-)
Handicap, Transfuge politique et Lobyisme privé.
Le premier de Stéphane Laporte : Handicapé, publié le 14 janvier
Le principal handicap d'une personne handicapée, ce n'est pas de ne pas marcher, de ne pas voir, de ne pas entendre ou de ne pas parler, c'est de ne pas compter.
Le second d'Yves Boivert : Les idées politiques, publié le 17 janvier
Quand Lucien Bouchard quitte un poste de ministre pour siéger comme indépendant et ensuite fonder un parti, il ne choisit pas la facilité. C'est plus impressionnant qu'une Lise Saint-Denis, élue depuis sept mois députée NPD, qui nous dit qu'elle «réfléchit depuis six mois» à devenir libérale...Le dernier de Stéphane Lagacé : J'espère que c'est payant, Mme Normandeau, publié le 17 janvier
[...] pour quelqu'un qui nous a fait la morale sur cette calamité qu'est le désenchantement de la population vis-à-vis des politiciens, disons que Mme Normandeau a fait un choix de carrière malodorant comme une flatulence de Holstein.... délicieux mais il faut connaître le contexte et les références à la défense des Gaz de Schiste de Mme Normandeau. Des explications ici avant que ce ne soit archivé.
Évidemment, puisque tout ceci à tendance à disparaître au gré des demies-vies d'électron, j'ai recopié le tout ici...
------------------------------------------------------------
Handicapé / Stéphane Laporte / 14 janvier 2012
------------------------------------------------------------
Handicapé. C'est un mot que je n'ai jamais accepté. C'est un mot qui m'a toujours fait mal, qui m'a toujours fermé. Pourtant, quand les gens me croisent dans la rue, c'est sûrement le premier mot qui leur vient en tête. Sans méchanceté. Tout simplement parce que, pour eux, c'est ce que je suis. Une personne qui a de la misère à marcher. Une personne en fauteuil roulant. Une personne handicapée.
Je m'en fous. J'ai toujours refusé de me nommer ainsi. Pourquoi réduire une personne à ce qu'elle ne peut accomplir, alors qu'il y a tant de choses qu'elle peut faire?
Le corps humain est bien fait. Nos yeux sont tournés vers les autres, pas vers nous. Si bien que mon handicap, je suis la personne qui le voit le moins. Bien sûr, parfois il m'arrête, il me bloque. Et ce n'est que dans ces moments que je me sens limité. Le reste du temps, je me prends pour Superman, comme vous tous.
Je hais tellement le mot handicapé que, sur ma voiture, il n'y a pas de vignettes de handicapé. Et je paie l'amende quand je me gare dans les endroits réservés.
Petit, j'ai décidé que je n'allais pas laisser ce mot m'isoler, m'embarrer. Ma mère a convaincu la directrice de m'accepter à l'école des enfants normaux. Et j'ai fait ma place, avec les autres, comme les autres. Évidemment, j'étais le plus poche au ballon chasseur mais, au moins, j'étais. Et quand les enfants me demandaient ce que j'avais aux jambes, je répondais: des pantalons.
Je ne parlais jamais de mon handicap. Ni à ma famille, ni à mes amis, ni à mes blondes. À personne. Était-ce du déni? Peut-être, il y avait de ça. Pour moi, c'était la meilleure façon d'imposer tout ce que j'étais d'autre que cette erreur de la nature. C'était la meilleure façon de ne pas me laisser réduire à ça.
Savez-vous à qui j'ai parlé de mon handicap pour la première fois? C'est à vous, chers lecteurs. Parce que lorsqu'on a le privilège de chroniquer dans un journal, il faut écrire franc, il faut écrire net. Quand on a la prétention de révéler des vérités, il faut d'abord révéler la sienne. Même la partie qui ne nous plaît pas. J'ai brisé mon tabou comme on brise le silence. Pour me rapprocher de vous. Avec ma façon particulière d'avancer.
Je vous en remercie. Je crois qu'en me rapprochant de vous, je me suis rapproché de moi aussi.
Bien que j'aie traité de mon infirmité à quelques reprises dans ces pages, je n'en ai jamais parlé ailleurs, sauf à de très rares occasions. Seule l'écriture permet les nuances et les délicatesses nécessaires aux révélations de l'intime. Dans la vraie vie, je changeais de sujet parce que le mot handicapé sonnait toujours aussi dur à mon coeur. Et surtout, parce que je n'en avais pas besoin. Tout simplement.
Récemment, j'ai compris que les autres en avaient peut-être besoin. Je suis un magané chanceux. Je suis sorti pas si poqué que ça de mon accouchement difficile. J'ai eu des parents qui m'ont donné confiance en moi. Et j'ai rencontré des gens, tout au long de ma vie, qui m'ont permis de faire ce que j'aime. Toutes les personnes différentes ne sont pas aussi gâtées que moi.
Voilà pourquoi, avant Noël, lorsque l'Office des personnes handicapées m'a demandé de devenir porte-parole de la remise des prix À part entière, j'ai dit oui. Toute ma vie, j'ai fui le mot handicapé, et voilà que je vais devoir l'assumer. Ça vaut la peine. La cause est beaucoup plus importante que mon orgueil.
Le prix À part entière récompense les individus, les entreprises et les organismes qui font des gestes significatifs pour faire progresser la participation sociale des personnes handicapées. Parce que le miracle, il est là. Le principal handicap d'une personne handicapée, ce n'est pas de ne pas marcher, de ne pas voir, de ne pas entendre ou de ne pas parler, c'est de ne pas compter. Le besoin vital de tout être humain, c'est de donner un sens à son existence. Les personnes handicapées sont trop souvent laissées de côté. On oublie de les intégrer. Il ne faut pas seulement les aider, il faut leur permettre de nous aider. Car nous avons besoin d'elles. Car vous avez besoin de nous.
Plein de gens au Québec ont le souci de donner aux personnes handicapées la place qui leur revient. Il faut souligner leur effort en espérant que leur exemple en inspirera d'autres.
Handicapés ou pas, tous les êtres humains sont limités, mais ils doivent tous avoir la chance d'aller au bout de leurs limites.
Devenir porte-parole des prix À part entière me permet d'aller au bout d'une de mes limites. Celle que le mot handicapé dressait devant moi depuis toujours. Cette crainte d'être exclu par lui, d'être réduit par lui, en l'assumant, je l'ai vaincue.
Handicapé ou pas, on ne se sent vraiment bien que lorsqu'on aide les autres.
Merci à l'OPHQ de me permettre de me sentir comme ça.
Je vais essayer de bien faire ma job de porte-parole...
Vous avez jusqu'au 10 février pour vous inscrire pour le prix À part entière. Il y a 17 prix régionaux et un prix national. Un total de 27 000$ sera distribué en bourses aux lauréats. Le formulaire d'inscription se trouve sur le site de l'OPHQ: www.ophq.gouv.qc.ca
------------------------------------------------------------
------------------------------------------------------------------
Les idées politiques / Yves Boivert / 17 janvier 2012
------------------------------------------------------------------
Comme tous les vendredis matin, Nathalie Collard était attablée à la cafétéria de La Presse, pour confesser son invité de la semaine. C'était François Rebello.
Je reviens pour un autre café une demi-heure plus tard, ils sont toujours là. Troisième visite, Rebello est encore là qui cause, qui cause...
Si on le laisse faire, il va fermer l'endroit! Ça fait longuet pour répondre à 10 questions plus une...
Manifestement, ce garçon sent le besoin d'ensevelir son malaise sous des piles et des piles de phrases.
Mais plus il s'explique, plus il se complique.
Il a commencé en disant que son départ était un pas vers la souveraineté, il a aussi dit qu'il se joignait à François Legault pour l'environnement...
Et quand Nathalie Collard lui a demandé: «Pourquoi n'avez-vous pas simplement dit: «Legault est mon homme, je me joins à lui» plutôt que de parler d'environnement et de souveraineté pour justifier votre geste?», il a trouvé une troisième raison: le développement économique.
«Ce n'est pas seulement parce que c'est mon homme, mais parce que je sais qu'il est capable de propulser des entreprises sur le plan international, ce qui, à mon avis, est une priorité pour que le Québec retrouve confiance.»
La semaine prochaine, ce sera sans doute pour l'agriculture.
* * *
Comprenons-nous bien. Je reconnais pleinement le droit d'un député de changer de parti. Soit parce qu'il a changé d'idées. Soit parce qu'il a un désaccord fondamental. Je ne vois pas comment on pourrait le leur interdire formellement.
Mais toutes les vestes retournées n'ont pas la même valeur. Quand Lucien Bouchard quitte un poste de ministre pour siéger comme indépendant et ensuite fonder un parti, il ne choisit pas la facilité. C'est plus impressionnant qu'une Lise Saint-Denis, élue depuis sept mois députée NPD, qui nous dit qu'elle «réfléchit depuis six mois» à devenir libérale...
Laissons cette pauvre dame, dont on n'entendra plus jamais parler, sauf si elle est l'unique survivante d'un incendie du parlement.
Revenons au cas Rebello.
Le problème n'est pas qu'il «abandonne l'option». C'est qu'il essaie de nous faire croire qu'il ne l'abandonne pas. Le problème n'est pas qu'il déménage. C'est qu'il prétend rester à la maison pendant qu'il remplit le camion de déménagement.
Le problème n'est même pas le très évident opportunisme qui l'anime; les politiciens ont le droit de jouer pour gagner. Témoin, Denis Coderre, opportuniste assumé.
C'est sa prétention à déguiser son passage à la CAQ en décision de principe qui est ridicule.
«Je suis un homme de conviction et cette conviction, c'est la souveraineté, pas le Parti québécois», dit-il.
Ah oui? Si sa «conviction» est la souveraineté, que diable va-t-il faire dans un parti qui ne la propose pas? Parce qu'il préfère gagner sans défendre la souveraineté plutôt que de perdre en la défendant. C'est une vague opinion, donc, pas une conviction. Ce n'est pas le moteur de son engagement.
L'environnement? Oh, il en sera sûrement le champion à la CAQ. Mais il n'est pas allé là «pour faire un Québec vert». Il n'y a pas tellement de doute que la CAQ sera moins écolo que le PQ.
Je répète que je ne lui reproche pas de vouloir gagner ou d'avoir abandonné quoi que ce soit, ni même de faire des compromis pour prendre le pouvoir et «changer des choses».
Il y a un courage, même, à assumer ses changements d'idées et à les défendre sur la place publique. S'arracher d'une famille politique, comme l'ont fait Pierre Curzi ou Louise Beaudoin, cela demande également du cran.
Mais voir Rebello dire une chose avec ses phrases et une autre avec ses pieds nous donne une idée de l'envergure de ses convictions.
* * *
François Legault n'a pas fait plaisir aux péquistes en abandonnant le projet d'indépendance. Mais il l'a fait en partant de zéro, sans tromper personne, et sans prétendre faire autre chose que de proposer cela: abandonner l'option indépendantiste. Pour déployer l'énergie politique au Québec autour d'autre chose que le statut constitutionnel. Changer le coeur du débat.
Il entretient plus de flou depuis quelques semaines, on comprend pourquoi. Mais enfin, il fera une proposition sur quelques sujets déjà annoncés, on votera ou pas pour lui.
Rebello est comme plusieurs de ces politiciens professionnels qui sont tombés dedans tout petits. Il a ses idées, bien sûr. Mais c'est surtout un junkie du jeu politique.
Il a l'air tout excité d'avoir serré la main de Mitt Romney, leader des candidats républicains. Il dit même que Romney est le «Legault du Parti républicain». C'est en effet comme lui un homme d'affaires devenu politicien. Mais à part ça? A-t-il regardé un peu ce que défend Romney? Pro-vie, pour l'augmentation des budgets militaires, contre les soins de santé publics...
Quelle idée d'aller comparer ces deux-là? A-t-il des idées politiques un peu conséquentes? Ou est-il plutôt exactement cette sorte de politiciens vieille école dont la CAQ nous dit qu'elle ne veut plus?
Faudrait pas faire du vieux avec du neuf.
------------------------------------------------------------------
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
J'espère que c'est payant, Mme Normandeau / Patrick Lagacé / 17 janvier 2012
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
Appelez-moi le Jojo Savard de l'information, O.K.? Comme la blonde et autrefois célèbre astrologue, j'ai prédit l'avenir.
La différence?
Moi, j'ai raison.
Le 12 septembre, donc, j'ai publié dans ce journal une chronique intitulée Lettre à Nathalie Normandeau, après la démission de la vice-première ministre et ministre des Ressources naturelles.
J'évoquais ces anciens ministres qui avaient abouti dans l'entreprise privée, dans des domaines relevant de ministères qu'ils avaient pilotés. Je nommais Philippe Couillard, passé de ministre de la Santé à patron d'une firme qui veut faire de la santé un business. Je pensais à Guy Chevrette, qui a représenté le lobby des forestières après avoir été ministre responsable des forêts.
Extrait: «Mme Normandeau, je vous souhaite une vie professionnelle heureuse, après la politique. Je nous souhaite que vous n'aboutissiez pas sur le payroll d'une industrie d'un domaine dont vous avez été, ces dernières années, ministre.»
Qu'a-t-on appris, le 12 janvier dernier, dans un topo d'Alain Laforest, de TVA? Que Nathalie Normandeau avait un nouvel emploi: vice-présidente aux Affaires stratégiques de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), qui est bien plus qu'une simple firme de comptabilité. C'est une firme-conseil pour entreprises.
Ma foi, je lis dans les entrailles de l'actualité!
Selon Laforest, donc, une des responsabilités de Mme Normandeau chez RCGT sera de conseiller les clients de la firme sur les façons de profiter du Plan Nord.
Le reportage est sorti jeudi soir. RCGT a choisi de ne pas commenter les informations de TVA. Mme Normandeau aussi.
Ce n'est que le lendemain après-midi que les principaux intéressés ont réagi, jurant leurs grands dieux que, pas du tout, l'ancienne ministre ne conseillera pas des clients privés sur les meilleures façons de tirer profit du Plan Nord, dont Mme Normandeau était responsable jusqu'à tout récemment...
Mme Normandeau nie. La firme RCGT aussi. Je note que le démenti est sorti le lendemain du reportage de TVA. Personnellement, à leur place, j'aurais choisi de démentir sur le coup, quand le journaliste a téléphoné. Pas le lendemain, question de ne pas laisser courir pendant des heures une «fausse» nouvelle...
Laforest est un bon reporter parlementaire, crédible. Il n'a pas l'habitude de lancer des sottises en ondes. Je le crois quand il dit qu'il a appris qu'une des responsabilités de Nathalie Normandeau chez RCGT sera d'aider les clients de la firme à tirer profit du Plan Nord, dont elle avait la responsabilité au plus haut niveau de l'État, jusqu'à tout récemment.
RCGT a beau dire - une journée plus tard - que c'est faux, Mme Normandeau a beau dire qu'elle va s'imposer des garde-fous, reste que j'ai une toute petite question...
Comment puis-je vérifier ça, moi?
Quand des lobbyistes rencontrent du personnel politique ou un ministre, il y a des traces. C'est consigné, c'est public. Parce que l'État s'est donné des règles assurant un minimum de transparence sur les interactions des intérêts particuliers et des officiels publics.
Si Nathalie Normandeau rencontre les patrons d'une société minière (par exemple) ayant recours aux services de RCGT, comment puis-je le savoir? RCGT est une entreprise privée. La minière aussi. Leurs interactions ne sont pas soumises à des mécanismes de transparence.
Il faut donc se fier à la parole de RCGT et à celle de Mme Normandeau.
Mais allons au-delà du cas de Mme Normandeau, qui se vantait dans le communiqué de presse de RCGT de ses «connaissances de l'appareil gouvernemental».
Parlons des «ex» qui monnaient l'expertise qu'ils ont acquise à défendre - supposément - le bien public auprès de clients privés.
Pourquoi le privé? Pourquoi des grosses jobs comme patron du lobby des forestières ou patron d'une firme de santé privée? Pourquoi toujours des créatures qui ont un intérêt à connaître l'ADN de l'État?
Pourquoi pas la Croix-Rouge?
Pourquoi pas Moisson Montréal?
Pourquoi pas directeur régional des Tim Hortons du Grand Valleyfield?
J'ose cette explication: parce que c'est moins payant...
Alors, Nathalie Normandeau peut bien nous bassiner avec son «droit de gagner sa vie», on devient las de ces politiciens qui, une fois qu'ils ont servi le bien commun, décident d'en extraire la substantifique moelle pour la tarifer à l'heure, au profit du privé...
Éric Caire, député caquiste, a porté plainte au Commissaire à l'éthique pour qu'il se penche sur le nouvel emploi de Nathalie Normandeau. Comme dit François Legault: on verra...
Peut-être que Mme Normandeau n'enfreint aucune règle éthique en acceptant d'aller distiller chez RCGT tout le savoir qu'elle a acquis alors qu'elle était au service de l'État.
Mais pour quelqu'un qui nous a fait la morale sur cette calamité qu'est le désenchantement de la population vis-à-vis des politiciens, disons que Mme Normandeau a fait un choix de carrière malodorant comme une flatulence de Holstein.
Un sujet sur lequel l'ancienne ministre en sait un petit bout. On ne sait jamais, ça pourrait profiter aux clients de RCGT...
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
No comments:
Post a Comment